LA PETITE TONKINOISE
Bonjour à tous ! Voici mon premier article sur la blogosphère, je me suis enfin lancé... on verra bien !?!
Quel destin exceptionnel pour une chanson au texte si pauvre (c'est le lot de la plupart du genre « colonial ») ! Tous les ingrédients de l'imagerie de ce style sont présents : noms exotiques, la femme indigène... le tout avec un humour premier degré médiocre et lourdingue. Mais revenons un instant sur l'histoire de cette chanson datée de 1906 : le célèbre compositeur marseillais Vincent Scotto signe là son premier succès avant bien d'autre (sous les ponts de Paris, Prosper (yop la boum), le plus beau des tangos du monde, etc...). Georges Villard, un de ses voisins, écrit le texte et voilà née la chanson « le Navigatore ». Darius Meyer, encore un voisin, chanteur local, l'incorpore à son répertoire. Un soir de 1905, alors qu'il se produit sur une scène de la cité phocéenne, le célèbre comique Polin, séduit par cet air, demande à rencontrer Scotto et lui fait part : « J'aime la musique de cette chanson, mais les paroles sont trop locales. Si vous le permettez, je la montrerai à mon ami Henri Christiné ». Ainsi, Polin repart en direction de Paris avec la musique du « Navigatore ». Christiné, grand fournisseur de textes pour les vedettes de l'époque change les paroles et cela devient « la petite tonkinoise ». Et c'est le succès... la chanson sera d’ailleurs reprise par Karl Ditan et Joséphine Baker.
Les paroles sont plus que douteuses sur le rapport entre le colon et la femme « indigène » (bien que de nombreuses chansons de cette époque soit pires). Tout la relie au sexe, laissant entendre que les jeunes femmes des colonies ne seraient disponibles que pour satisfaire les fantasmes d'aventuriers : « ...qui s'appell' Mélaoli », «C'est pour ça qu'sur sa poitrine Elle a deux p'tites mandarines ».
La partition que je possède est en assez bon état, les décorations sont typiques de la belle-époque. La photo est celle du comique Polin. A l'arrière, on retrouve le catalogue des différents titres disponibles.
En résumé, j’apprécie beaucoup cette partition qui reste « historique » dans les chansons de la première moitié du 20ème siècle et qui nous en apprend beaucoup sur l'imagerie romanesque coloniale.
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1 -
Pour que j'finisse mon service
Au Tonkin je suis parti
Ah! quel beau pays, mesdames
C'est l'paradis des p'tites femmes
Elles sont belles et fidèles
Et je suis dev'nu l'chéri
D'une petite femme du pays
Qui s'appelle Mélaoli.
Refrain
Je suis gobé d'une petite
C'est une Anna (bis) une Annamite
Elle est vive, elle est charmante
C'est comme un z'oiseau qui chante
Je l'appelle ma p'tite bourgeoise
Ma Tonki-ki, ma Tonki-ki, ma Tonkinoise
D'autres me font les doux yeux
Mais c'est elle que j'aime le mieux.
- 2 -
L'soir on cause d'un tas d'choses
Avant de se mettre au pieu
J'apprends la géographie
D'la Chine et d'la Mandchourie
Les frontières, les rivières
Le fleuve Jaune et le fleuve Bleu
Y'a même l'Amour, c'est curieux,
Qu'arrose l'Empire du Milieu.
Refrain
C'est moi qui suis sa petite
Son Anna-na, son Anna-na, son Annamite
Je suis vive, je suis charmante
Comme un p'tit z'oiseau qui chante
Il m'appelle sa p'tite bourgeoise
Sa Tonki-ki, sa Tonki-ki, sa Tonkinoise
D'autres lui font les doux yeux
Mais c'est moi qu'il aime le mieux.
- 3 -
Très gentille c'est la fille
D'un mandarin très fameux
C'est pour ça qu'sur sa poitrine
Elle a deux p'tites mandarines
Peu gourmande, elle ne d'mande
Quand nous mangeons tous les deux
Qu'une babane c'est peu coûteux
Moi j'y en donne autant qu'elle veut.
- 4 -
Mais tout passe et tout casse
En France je dus rentrer
J'avais l'coeur plein de tristesse
De quitter ma chère maîtresse
L'âme en peine, ma p'tite reine
Était v'nue m'accompagner
Mais avant d'nous séparer
Je lui dis dans un baiser:
Dernier refrain:
Ne pleure pas si je te quitte
Petite Anna (bis) p'tite Annamite
Tu m'as donné ta jeunesse
Ton amour et tes caresses
Tu étais ma p'tite bourgeoise
Ma Tonki-ki, ma Tonki-ki, ma Tonkinoise
Dans mon coeur j'gard'rai toujours
Le souv'nir de nos amours.